1 – Paul-Émile Borduas                                        

Quand j’avais 12 ou13 ans mon frère est devenu ami avec Paul Borduas, le fils de Paul Émile. Il était venu nous visiter à Sherbrooke où ma famille vivait à l’époque. Ce dernier dans mon souvenir s’interrogeait sur ses relations avec son père parti s’exiler à NYC et ma mère ayant connu la femme de Borduas devait le conseiller. Bien sur comme grande catholique elle le fit selon ses fortes croyances morales.
Nous habitions une maison où le salon était tout vitré et de grandes tentures installées par un décorateur, recouvraient les fenêtres du plafond au plancher. Un motif dessiné par Borduas était imprimé sur ces tentures, un motif dans le genre des gouaches des années 40, c’est alors que nous en avons pris conscience. J’avais gardé des échantillons de ce tissu pendant plusieurs années. C’est peut-être à ce moment-là que j’ai découvert l’automatisme, un mouvement si important et si précieux pour l’art au Québec.                                                                                        

Impression sur tissus d’une gouache de Paul Émile Borduas

 2 – Les mathématiques

Vers la fin des années 50 j’entrais au collège Basile-Moreau poursuivre  mon cours classique, la marche à suivre habituelle dans l’enseignement de l’époque. À ma deuxième année, en rhétorique j’ai échoué mes mathématiques, on m’a alors fait suivre des cours privés pendant l’été, j’ai repassé le test et échoué de nouveau.  Mon esprit était totalement réfractaire à cet apprentissage. C’est comme ça que j’ai pu entrer à l’école des beaux-arts de Montréal, lieu par excellence et le seul où la liberté était extraordinaire dans le parfait esprit du Refus global. La Révolution tranquille s’installait et transformait notre société.                                          

École des Beaux-arts de Montréal édifice Camille-Laurin

3 – Laver ses pinceaux          

Comme mauvaise élève je bavardais beaucoup pendant les cours et portais peu d’attention au professeur. Un jour il a expliqué comment nettoyer les pinceaux de peintures à l’huile puis il m’a demandé ce qu’il fallait faire, prise de court j’ai dit avec de la térébenthine. Mais non, après les avoir essuyé avec ce produit, il faut les laver à l’eau chaude et au savon. Chaque fois que je lave mes pinceaux, près de 60 ans plus tard cela me revient en mémoire. Il en va de leur durée !


4 – la sculpture plutôt que la peinture

Quand on arrivait en 3ième année d’école, il fallait choisir une orientation, soit la sculpture ou la peinture. En peinture on pouvait aussi apprendre la gravure avec Albert Dumouchel. Les places étant limitées, il y avait un concours où il fallait présenter des œuvres pour être choisi. J’aurais été humiliée d’être refusée alors j’ai décidé d’aller en sculpture et j’ai fait les 2 dernières années d’école travaillant le bois, le fer soudé et la pierre. De très rares exemples me restent. Je ne pensais pas à la peinture à l’époque. Ce n’est qu’une bonne dizaine d’année plus tard que je me suis remise au dessin, à la couleur et très progressivement à la peinture.

Sculpture en fer soudé – 1965

5 – Exposer très jeune

Il y a des élèves de ma classe qui ont créé des œuvres et très vite les ont présentées au Salon du Printemps du musée des Beaux-arts dans les années 60. Ils se sont lancés très tôt sur le marché de l’art, des gens pressés qui bousculaient et s’accaparaient une gestuelle toute neuve.  Pour moi ce fut l’inverse, j’ai erré dans tous les domaines, du cinéma à l’artisanat et j’en passe avant de m’aventurer dans la création pure. Ce fut long, très difficile mais devint incontournable.
La peinture fait-elle naître des génies précoces? Il semble que ce qui se crée en peinture comme en sculpture est la somme de toutes les connaissances en art acquises ou rencontrées dans sa vie pour former sa propre pensée picturale. L’important reste de prendre  tous les moyens pour l’affirmer très fort.

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Suzanne Olivier artiste peintre